La critique et l'éloge partie 1(ajarhou wa ta'dil)

Publié le par Association Musulmane du Quartier de l'Europe



Le Cheikh Abdullah Ibn Jibrine -hafidhahullah-

 

 

 

 

 

Assalamou Alaikoum Wa rahmatoullah wa barakatouhou,

Honorable soeur,

Puisse Allah te protéger et te maintenir davantage dans Sa voie, la voie de ceux qu'Il a comblé de Ses bienfaits : les Prophètes, les véridiques, les martyrs et les vertueux.

Nous avons lu avec une attention particulière la fatwa émise par le cheikh Najmi -Puisse Allah le protéger- à l'encontre du Cheikh Abdullah Ibn Jibrine    –Puisse Allah le protéger.

Nous tenons à dire que conformément à notre conviction et à la ligne éditoriale de nos traductions, nous ne publions que les écrits qui sont conformes à la voie des Ahlu Sunna Wal Jama'a et nous prenons pour cela toutes les précautions qui s'imposent et notamment en nous assurant de la conformité de nos publications à l'esprit et à la lettre de la croyance et de la voie de nos pieux prédécesseurs d'une part, et d'autre part, en nous référant constamment aux savants contemporains bien guidés dont la croyance et la science sont celles de nos pieux prédécesseurs. C'est une question de foi et une responsabilité dont nous devrons rendre compte auprès d'Allah le Jour de la Résurrection.

Il faut je crois commencer par dire que le Cheikh Abdullah Ibn Jibrine –Puisse Allah le protéger- a longtemps travaillé à l’IFTA et de ce fait a émis de très nombreuses fatawa. Ainsi, si comme le dit le cheikh Najmi –Puisse Allah le protéger- tout ce qu’il a fait était à rejeter l’IFTA nous aurait devancé et aurait retiré de ses anciens livres les fatawa émises par le Cheikh Abdullah Ibn Jibrine.

     En général, on remarque que les gens, de nos jours, abordent ce problème crucial avec une certaine complaisance qui peut amener les gens très loin. En tant qu'adeptes de la voie des Ahlu Sunna, nous devons nous conformer à toutes les règles qui régissent leur doctrine tant en matière d'affinité que d'inimitié. On ne doit pas se conformer à ces règles dans une circonstance et les fouler au sol dans une autre. Il faut être logique dans l'observation de cette voie.

     A ce titre, nous tenons à rappeler quelques-unes des règles émises par nos pieux prédécesseurs dans le comportement vis-à-vis des savants et notamment lorsqu'ils commettent quelques erreurs –et aussi faut-il s'assurer qu'ils les ont commises -. Voici donc une partie de ces règles :

1-     Le grand nombre des mérites l’emporte dans le jugement

2-     On ne doit pas propager les dires des savants sur leurs confrères

 

1-   Le grand nombre des mérites l’emporte dans le jugement

La Charia, la raison et l’expérience, conviennent qu’il n’y a personne qui soit préservée de l’erreur, excepté les Prophètes –Que la paix d’Allah soit sur eux- dans ce qu’ils rapportent d’Allah –Le Très-Haut et le Tout-Puissant-. Ainsi, l’erreur fait partie de la nature humaine. Les gens se divisent par rapport à cela, en deux groupes :

1.      Un groupe qui commet des erreurs, mais dont les erreurs sont insignifiantes ou involontaires, par rapport à ses bienfaits. C’est le groupe qui a pour principe la recherche de la vérité.

2.      Un groupe qui a parfois raison, mais dont les bienfaits sont en très petit nombre ou involontaires par rapport à ses erreurs. C’est le groupe qui a pour principe la recherche de l’erreur et l’éloignement de la vérité.

Les savants dignes de considération dans cette communauté, font partie du premier groupe. Ils sont –dans leur ensemble- véridiques, comme l’ont démontré plusieurs verset du Noble Qur'an. En vérité, les meilleurs de cette communauté sont les savants.

 

Le Cheikh Al-Islam Ibn Taymiya –Qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit : « Dans chacune des communautés qui a précédé la venue du Prophète Muhammad –Paix et bénédiction d’Allah sur lui- les savants étaient les plus malhonnêtes, excepté les musulmans, leurs savants sont les meilleurs d’entre eux, car ils sont les remplaçants du Messager -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- dans sa communauté, ceux qui font revivre ce qui est mort de sa Sunna. C’est par eux que le livre [d’Allah] se tient debout et c’est de ce livre qu’ils se ressourcent. Le Livre parle d’eux et eux parlent conformément à ce Livre [1][1]».

Si tels sont les savants de cette communauté, il est alors obligatoire de pardonner le petit nombre de leurs erreurs face au nombre important de leurs bienfaits et de considérer plutôt leurs qualités dominantes.

 

Sacîd Ibn Al-Musayyib –Qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit : « Il n’y a pas un savant, un noble, ou une personne digne de mérite qui ne possède pas de défaut. Cependant, celui dont les mérites sont plus nombreux que les défauts, ces mérites vont étouffer ses défauts. De même celui dont les défauts sont prépondérants verra ses mérites éclipsés. [2][2]»

 

L’Imam Ibn cAbdalbar –Qu’Allah lui fasse miséricorde- a rapporté de l’un de nos prédécesseurs la parole suivante : « Le savant n’échappe pas à l’erreur. Ainsi, celui qui ne commet que peu d’erreurs et énonce beaucoup de paroles conformes à la vérité est un savant et quiconque commet beaucoup d’erreurs et énonce peu de paroles vraies est un ignorant [3][3]»

 

L’Imam Sufyân Ath-Thawrî –Qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit : « Il n’y a presque personne qui puisse échapper à l’erreur. Si la mémorisation est prédominante chez une personne, alors elle est un Hafith (personne jouissant d’une grande faculté de mémorisation), et cela même si elle commet des fautes. Cependant, si les erreurs sont dominantes chez une personne, alors elle doit être délaissée [4][4]  [5][5]»

 

Ibn Al-Qayyim –Qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit : « Quiconque possède une connaissance de la Charica et de la réalité, sait sans aucun doute que l’homme noble qui est reconnu en Islam comme pieux, qui a des marques positives, et qui a en Islam et dans la communauté un rang, peut être sujet à l’erreur. [Dans ce cas] il est pardonné. Bien plus il est récompensé pour son ijtihad. Il n’est toutefois pas permis de le suivre sur cette erreur, et il n’est pas permis non plus de dévaluer son rang et son imamat dans les cœurs des musulmans [6][6]»

 

Il a également dit : « Si on devait abandonner complètement et désavouer les bienfaits de toute personne qui commet une erreur, alors les sciences, les productions et les jugements se détérioreraient et leurs jalons se détérioreraient [7][7]»

 

L’Imam Ibn Rajab Al-Hanbalî –Qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit : « La personne équitable est celle qui pardonne le peu d’erreurs que l’homme a commis, face à la multitude de ses bienfaits [8][8]»

 

L’Imam Adh-Dhahabî –Qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit : « Nous aimons la Sunnah et ceux qui la suivent ; nous aimons le savant proportionnellement à sa conformité à la Sunnah et à ses qualités louables. Et nous n’aimons pas ce sur quoi il a innové en se basant sur des interprétations permises, car ce qui compte c’est la multitude de ses bienfaits [9][9]»

 

Et il dit dans la biographie de Muhammad Ibn Nasr Al-Marwazî : « Si à chaque fois qu’un savant commet une erreur d’ijtihad pardonnable dans certaines questions, nous nous élevons contre lui, l’accusons d’être un innovateur et l’abandonnons, ni Ibn Nasr, ni Ibn Mandah ni même ceux plus grands qu’eux ne nous auraient échappé. Allah est Celui qui guide les créatures vers la vérité, et il est Le Tout miséricordieux. Nous cherchons protection auprès d’Allah contre la passion et la rudesse [10][10]»

 

Il dit encore dans la biographie de l’imam Ibn Khuzayma –Qu’Allah lui fasse miséricorde- : « Si nous méprisions toute personne qui commet des erreurs lors d’un de ses ijtihad et l’accusions d’être un innovateur, et cela malgré qu’il ait une foi correcte et qu’il fournisse des efforts pour suivre la vérité, alors peu de gens parmi les imams qui nous échapperaient, –Qu’Allah de par Sa générosité leur accorde à tous, Sa grâce et Sa miséricorde- [11][11]»

 

Il a également dit dans la biographie de Qatâda –Qu’Allah lui fasse miséricorde- :  « Qu’Allah pardonne aux semblables de Qatâda qui ont commis une innovation, en ne voulant à travers elle, qu’exalter Le Créateur et Le purifier. Ils firent des efforts, et Allah est certes le Juge Equitable, Miséricordieux envers Ses serviteurs et Il n’est pas questionné à propos de ce qu’Il fait. Certes, le grand savant, lorsque ses bienfaits sont nombreux, que son assiduité à rechercher la vérité est reconnue, qu’il possède une vaste science, une intelligence apparente, et est reconnu pour sa piété et son suivisme (de la Sunnah), ses bévues lui sont pardonnées. Nous ne devons pas le considérer comme un égaré, nous ne devons pas le rejeter et oublier ses bienfaits. Par contre, nous ne devons pas le suivre dans son innovation et sa faute, et nous espérons qu’il se repentira pour cela [12][12]»

Et il a dit –Qu’Allah lui fasse miséricorde-« Abû Al-Hasan As-Saffâr a dit : J’ai entendu Abû Sahl As-Suclûkî, quand il fut questionné à propos de l’interprétation d’Abû Bakr Al-Qafâl, le louer d’une part et le souiller d’autre part [le souilla d’autre part, c’est-à-dire pour avoir soutenu la secte des Mutazilites]. Je dis : Il est décédé depuis longtemps, et la perfection est rare. On ne fait l’éloge d’un savant que sur la base de la multitude des mérites qu’il possède, et on n’enterre pas ses bienfaits à cause d’une erreur pour laquelle il s’est peut-être repenti. Et peut être sera t-il pardonné pour les efforts qu’il a fournis dans la recherche de la vérité –Il n’y a de force et de puissance qu’en Allah- [13][13]»

 

Il a dit dans la biographie de Bichr Ibn Al-Walîd Al-Kindî : « Il avait un bon caractère et il fit une bévue, mais celle-ci n’efface pas sa sincérité et ses bonnes oeuvres, Incha Allah [14][14]»

 

Cette règle –la comparaison entre les bonnes et les mauvaises œuvres- n’est pas une règle innovée, mais c’est une règle issue de la sunnah, appliquée par le Messager et ses compagnons. Parmi ses preuves les plus évidentes, il y a l’histoire de Hâtib Ibn Abû Baltacata –Qu’Allah l’agrée- :

 cAlî Ibn Abû Tâlib –Qu’Allah l’agrée- rapporte : Le Messager d’Allah -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- nous envoya, Abû Murthad, Az-Zubayr et moi, alors que nous étions à cheval en disant : « Allez jusqu’au verger de Khakh, car il y a une femme faisant partie des mécréants qui détient une lettre de Hâtib Ibn Abû Baltacata, adressée aux mécréants » Nous la rejoignîmes, alors qu’elle montait une chamelle, à l’endroit indiqué par le Messager d’Allah -Paix et bénédiction d'Allah sur lui-. Nous lui demandâmes la lettre. Elle nous répondit : « Je n’ai aucune lettre » Nous fîmes agenouiller son chameau et la fouillâmes en vain. Alors nous dîmes : « Le Messager d’Allah n’a point menti. Sors la lettre ou nous te déshabillons ». Quand elle vit que nous étions sérieux, elle porta la main à un nœud du voile dont elle était enveloppée et nous remit la lettre que nous apportâmes et remîmes au Messager d’Allah -Paix et bénédiction d'Allah sur lui-. Alors cUmar dit : « O Messager d’Allah ! Il (Hâtib Ibn Abû Baltacata) a certes trahi Allah, Son Messager et les croyants, laisse-moi lui trancher la tête » Alors le Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- demanda : « Qu’est-ce qui t’a poussé à agir de la sorte ? » Hâtib répondit : « Par Allah, ce n’est nullement parce que je ne crois en Allah et en Son Messager -Paix et bénédiction d'Allah sur lui-, mais parce que je voulais avoir une influence qui grâce à Allah m’aurait permis de protéger ma famille et mes biens et il n’est pas un seul de tes compagnons qui ne possède là-bas quelqu’un de sa famille, pouvant grâce à Allah protéger sa famille et ses biens. Alors il -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- dit : « Il a dit vrai et ne dites de lui que du bien » Alors cUmar répéta : « Il a certes trahi Allah, Son Messager et les croyants, laisse-moi lui trancher la tête » Il répondit : « Ne fait-il pas partie des gens [qui ont pris part à la bataille] de Badr ? Il se peut que Allah en voyant les gens qui participèrent à la bataille de Badr  ait dit : « Faites ce que vous voulez, car le Paradis vous est dû –ou suivant une variante- Je vous ai pardonné » Alors cUmar pleura et dit : « Allah et son Messager sont les mieux instruits de tout [15][15]»

Et quand le Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- exhorta les compagnons à dépenser afin d’équiper l’armée pour l’expédition de Al-Ousra un groupe s’empressa d’exécuter cela et il y eut parmi eux cUthman Ibn cAffân –Qu’Allah l’agrée- qui apporta mille dinars et les versèrent aux pieds du Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui-. Alors le Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- dit : « Aucun acte ne peut nuire à Ibn cAffân après l’œuvre qu’il vient d’accomplir aujourd’hui » Et le Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- le répéta [à plusieurs reprises] [16][16]»

 

Il y a donc dans ces deux hadiths la preuve que les nombreux mérites d’un homme couvrent certains de ses péchés et erreurs. La considération réside dans ce qui prédomine chez l’homme.

 

L’Imam Ibn Al-Qayyim –Qu’Allah lui fasse miséricorde- a dit en parlant des arguments du principe de la comparaison entre les bonnes et les mauvaises œuvres : « Parmi les règles de la Charia et de la sagesse, il y a également le fait que si les bonnes œuvres [d’un homme] se multiplient et s’amplifient et qu’il possède en Islam une influence évidente, alors on doit lui accorder une indulgence et un pardon qu’on n’accorde pas à une autre personne. Certes, le péché est une impureté. Cependant, l’impureté ne peut polluer une eau qui atteint la quantité de deux grandes jarres (Qullatayn), contrairement à une petite quantité d’eau qui quant à elle ne supporte pas la moindre impureté. Dans le même esprit, il y a la parole du Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- à cUmar : « Que sais-tu ? Il se peut qu’Allah ait considéré des gens ayant participé à la bataille de Badr et ait dit : « Faites ce que vous voulez car Je vous ai pardonné » Ceci est donc la raison qui l’a empêché de tuer celui qui les a espionnés, lui et les musulmans, et qui a commis ce grand péché. Ainsi, le Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- donna pour raison sa participation à la bataille de Badr. Ceci montre donc que la punition est fondée, mais son exécution est annulée, car le coupable participa à un événement important. Ainsi, cette faute grave lui est pardonnée parce qu’il a à son compte beaucoup de bonnes œuvres.

Et quand le Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- exhorta [les musulmans] à la charité, cUthman –Qu’Allah l’agrée- apporta cette aumône. Le Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- dit : « Aucun acte ne peut nuire à Ibn cAffân, après l’œuvre qu’il vient d’accomplir aujourd’hui ». Le Prophète -Paix et bénédiction d'Allah sur lui- a [également] dit à Talha, qui s’était courbé devant lui afin qu’il prenne appui sur son dos pour monter sur la pierre : « Cela est redevable pour Talha ».

C’est un fait reconnu parmi les gens et ancré dans la nature de l’homme, que celui qui possède mille bonnes actions, sera pardonné pour une, voire deux mauvaises œuvres. Et entre la punition pour ses mauvaises actions et la récompense pour ses bonnes actions, c’est la récompense qui prédomine, comme a dit le poète :

 

Si le bien-aimé vient avec un seul péché,

Alors ses bonnes œuvres viennent avec mille intercesseurs.

 

Et un autre a dit :

 

Si l’acte qui a fait mal est un

Alors ses bonnes actions sont nombreuses.

 

Allah –Le Très-Haut et le Tout-Puissant- soupèsera le Jour du Jugement Dernier, les bonnes et les mauvaises œuvres du serviteur. Ainsi, celles qui seront prédominantes influenceront Son jugement. Il accordera à ceux dont les bonnes œuvres seront nombreuses, ceux qui auront préféré Son amour et Son agrément, mais qui auront parfois été influencés par leurs âmes, il leur accordera la grâce et le pardon qu’Il n’accordera pas aux autres [17][17]».

Ce qui a été dit à propos de la comparaison entre les bonnes et les mauvaises oeuvres n’est valable que pour le jugement des personnes. Par contre, si on mentionne une erreur d’un savant, il n’est pas obligatoire de rappeler ses bonnes et mauvaises œuvres. Par conséquent, si tu démontres l’erreur d’un imam en disant : « Il a commis une erreur sur telle question », cela suffit. Et si tu fais l’éloge d’un savant innovateur (une éloge concernant) les sciences de la rhétorique, alors cela suffit.

Ceci est valable quand il ne peut y avoir de confusion pour celui qui écoute. Par contre, si on pense que l’auditeur comprendra mal ce jugement ou le considèrera comme jugement absolu qui englobe tous les domaines, l’explication devient alors impérative.

 

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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